Grand-Hôtel de Saint-Jean-Cap-Ferrat

Interview de Pierre Gruneberg, maître nageur

J’ai eu le plaisir de visiter le Grand Hôtel Saint-Jean-Cap-Ferrat et découvrir l’un des plus beaux hôtels de la French Riviera. A cette occasion, j’ai rencontré Pierre Gruneberg, personnage légendaire de la Côte d’Azur et kinésithérapeute ayant travaillé en qualité de professeur de ski et de natation avec de nombreuses célébrités du 20ème siècle. Toujours en activité au Grand Hôtel de Saint-Jean-Cap-Ferrat depuis plus de 65 ans, il est également l’auteur d’ouvrages sur différentes méthodes d’apprentissage de la natation. Il a rencontré de nombreuses personnalités avec lesquels il a tissé des liens durant plusieurs années à l’hôtel. C’est la mémoire de l’hôtel !

Epoux veuf de l’actrice Silvia Montfort, il créa notamment l’association Prix Silvia-Montfort décernant un prix biennal à de jeunes actrices tragédiennes.

Il y a toujours des personnages attachants dans les hôtels de luxe qui apporte un supplément d’âme autant aux clients de l’hôtel qu’à tous les collaborateurs. Ceux qui ont travaillé plus de 30 ans dans un hôtel ont pu créer des relations particulières avec les clients et tisser des liens d’affection importants qui donnent envie de revenir régulièrement à l’hôtel.  Ils contribuent à la mémoire de l’hôtel et transmette l’esprit de l’hôtel. Ces personnes sont la clef de voute de l’hôtellerie de luxe.

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Laurent Delporte et Pierre Gruneberg

Comment êtes-vous arrivé à l’hôtel ? Pouvez-vous nous raconter l’évolution de l’hôtel ?

Je suis arrivé en 1950 après 3 jours de voyage en auto-stop depuis Paris. Je venais de passer mon diplôme de maître-nageur et j’avais trouvé une place dans différentes plages de la Côte d’Azur, dont Cassis, et Juan-les-Pins. Je voulais travailler pour une piscine. Le président des maîtres-nageurs de la Côte d’Azur me conseilla alors de me rendre au Cap Ferrat où se trouvait un hôtel avec une belle piscine. Depuis Nice, j’allais à pied jusqu’au Cap Ferrat, et lorsqu’en arrivant je vis la piscine, j’ai su que c’était là que je travaillerai. Après m’avoir fait attendre pendant des heures, le directeur accepta de me recevoir et de me donner une chance. Bien que n’ayant aucune expérience antérieure en tant que maître-nageur, je parlais anglais, allemand et italien, ce qui joua en ma faveur. A l’époque c’était plus facile de trouver un emploi.

J’ai commencé avec un contrat de 5 ans et 65 ans plus tard, je suis toujours là ! Je suis sans doute le plus vieil employé de la côte !

Qu’est-ce qui a changé à l’hôtel depuis votre arrivé ?

Tout a changé. Quand je suis arrivé, il y avait 90% de français autour de la piscine. A cette époque, les villas environnantes n’avaient pas de piscine et celle de l’hôtel était la seule du coin. Il y régnait une ambiance très conviviale et toutes les familles se connaissaient. Il y avait également un petit bar où il était possible d’acheter des consommations pas chères. Il n’y avait pas vraiment d’esprit « luxe » même si l’hôtel était assez chic. Les gens qui travaillaient à la piscine étaient employés à l’hôtel, par contre la plupart des visiteurs n’étaient pas forcément clients de l’hôtel. Aujourd’hui c’est le contraire : Il y a 90% d’étrangers et 10 % de français. Les visiteurs sont principalement des clients de l’hôtel qui est devenu très luxueux. L’emplacement, quant à lui, est toujours le plus beau du monde.

Côté piscine, c’est toujours la même piscine, enfin presque. Au début c’était une piscine olympique de 33m qui fut inaugurée en 1937 avec quatre murs, mais aujourd’hui elle possède une vue sur la mer avec un bassin à débordement.

 

L’art d’enseigner la natation aux plus grands de ce monde :

A travers les années, j’ai eu la chance de rencontrer de nombreuses personnalités du monde entier; des artistes, architectes, acteurs, musiciens, hommes politiques. J’ai par exemple appris à nager à Edgar Faure, ancien président de l’Assemblée nationale.

En qualité de kinésithérapeute, je me suis aperçu très vite que ce qui gênait le plus les gens lors de la pratique de la natation, c’était la respiration. J’ai alors développé une méthode spéciale pour apprendre à nager : je mets de l’eau dans un saladier transparent et pendant une heure, j’apprends aux gens à ouvrir les yeux, respirer par le nez, la bouche, faire des bulles etc… Je mets également un miroir au fond du saladier afin qu’ils puissent se voir. C’est un système très efficace que mon ami le réalisateur Francis Weber a commenté en disant « toi au lieu de porter les gens à l’eau, tu apportes l’eau aux gens. »

J’ai enseigné cette méthode dans de très nombreux grands hôtels en Amérique, en Israël et en Angleterre où notre hôtel faisait de la publicité en m’envoyant avec le chef de cuisine : les gens avaient un repas gratuit et une leçon de natation gratuite, ce qui était un grand succès compte tenu du nombre de personnes souhaitant apprendre à nager.

Je me suis marié deux fois avec deux élèves. La première fut une grande actrice, Sylvia Montfort, malheureusement décédée en 1991 ; puis, après 10 ans de célibat, je me suis remarié avec une anglaise chanteuse et auteur-compositeur, qui était paradoxalement ma pire élève.

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La piscine du Grand Hôtel avec sa vue sur la mer

Quel est selon vous le supplément d’âme dans cet hôtel ?

C’est tout d’abord un hôtel qui a beaucoup vécu et qui a vu passer de nombreuses célébrités telles que Brigitte Bardot, Jean-Paul Belmondo, Charlie Chaplin, Lise Tailor, Picasso, Cocteau, etc…

L’hôtel et la piscine sont situés de façon miraculeuse au bout du Cap Ferrat, qui est un cap un peu « montagneux ». De plus, nous sommes situés entre Nice et Monaco, à 20 minutes de chacun.!

Au Grand-Hôtel, il y a des clients qui viennent depuis 10 ans. J’ai d’ailleurs enseigné à une dame qui avait très peur de l’eau et qui n’était ni plus ni moins que la propriétaire du plus grand fitness des États-Unis. Elle m’a ensuite fait venir là-bas pour que j’enseigne ma méthode du saladier à ses professeurs. Elle avait 10 maîtres-nageurs qui nageaient tous beaucoup mieux que moi car c’était des nageurs olympiques. Quand ils m’ont vu avec mon saladier, ils se sont fichus de moi. Mais au bout de 3 jours ils ont vu l’intérêt de la technique qui a tout changé dans le club.

 

L’hôtellerie de luxe c’est aussi cela, c’est la transmission du savoir faire…

Ce qui donne envie aux clients de revenir dans un hôtel comme celui-ci, c’est aussi cette équipe d’employés qui sont là depuis 20 à 30 ans et qui ont chacun leurs habitudes, tout en connaissant bien celles des clients.

Il y a beaucoup d’anciens qui sont formidables mais parfois les jeunes ont tendance à oublier l’importance du client.

Voici un exemple tout simple : lorsque les clients arrivent, nous avons pour consigne de leur dire « bonjour », « comment allez-vous ? », « souhaiteriez-vous un jus de fruit ou un magazine ? ». Nous devons également leur offrir un petit quelque chose toutes les heures. Auparavant, je n’aurais jamais dit ni fait tout cela. Mais j’ai pris conscience de l’importance de ces attentions.  Pour le faire comprendre aux employés, il faut savoir transmettre cela. Un jour, j’ai rencontré un Directeur d’un hôtel qui servait à manger au personnel. Ou avez-vous cela en France ? Pour moi, ce sont des comportements humains admirables.

Quel est votre meilleur souvenir à l’hôtel ?

J’ai de très nombreux souvenirs ! Mais voici une anecdote : il y a environ 40 ans, il y avait un homme presque en train de se noyer dans la piscine. Je m’approche alors de lui et je lui offre une leçon de natation. Et tandis que je lui donne la leçon, sa fiancée me dit que c’est un génie, un grand peintre du nom de Mathieu. A la fin, il me demande combien je lui dois et je lui réponds que j’aimerais simplement qu’il me dessine quelque chose dans mon livre d’or. Il me fait alors un gribouillis d’une seconde qui me laisse perplexe. Mais bien plus tard, tandis que j’allais au musée, j’ai découvert les œuvres abstraites de Georges Mathieu et ledit gribouillis prit tout son sens.

Une autre bon souvenir : celui de Charlie Chaplin et de toute sa famille à laquelle j’ai appris à nager.

 

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